Somebody can help me ? [Jake]

- Vous pouvez y aller sur la glace, croyez, moi ça descend tout seul et ça fait du bien par où ça passe ! C’est un peu comme la bière, les bulles en moins…

Il eut un sourire amusé et commença à déguster sa glace. Contrairement à son interlocutrice, il avalait une cuillère plutôt bien fournie. Il l’écouta parler… visiblement elle était à l’aise et tenait bien la discussion. C’était rare dans leur milieu. La majorité des mecs abordaient les nanas pour les mettre dans leur lit et les femmes s’en méfiaient. C’est vrai, combien de fois Grace, sa sœur, lui avait raconté qu’un type du genre lourdaud l’avait invité à dîner et avait proposé à la fin du repas : « Une petite flûte et on termine chez moi ? »… C’était pathétique. Ils parlaient comme des gens civilisés, assez détendus. Jake était pudique sur ses sentiments mais parler ne le dérangeait pas. Ils abordaient les choses de façon plutôt légère. A part le coup de gueule de l’acteur sur cette dictature de la maigreur qui faisait plus de victimes que la cocaïne… Jamais il n’avait forcé Bry’ à faire un régime même si elle était mince mais franchement, dans le cas contraire, il aurait fait pareil. Les formes c’est beau ! Juliana avait une silhouette parfaite, il fallait le reconnaître. Par bienséance, Jake ne s’était pas attardé sur ce point. C’est peut-être pour ça que le courant passait bien, il avait d’autres vues que son physique et il s’intéressait à autre chose qu’à ses pulsions hormonales typiquement masculines. Lorsque la jeune femme eut terminé, il avait déjà avalé la moitié de sa glace. Il posa sa cuillère un bref instant et répondit :

- Je trouve que c’est ce qui fait votre célébrité… vous êtes indépendante ! Si demain les auteurs font grèves comme les scénaristes, vous pourrez toujours continuer à composer et à chanter. Je pense que c’est un grand atout. Imaginez ce que ça pourrait être, si vous étiez comme ces starlettes… elles font quoi ? Elles dansent devant des milliers de personnes à moitié à poil pour montrer qu’elles sont refaites de partout… Vous venez d’Angleterre, c’est un moyen de plus de montrer ce que vous valez aux yeux des autres ! En faisant vos compositions et vos textes vous-même, vous êtes sûre que cela vous corresponde et vous apporte le prestige. Croyez-moi, j’aimerais beaucoup être aussi indépendant que vous. Mais voilà, je ne suis pas scénariste… il y a des choses que je ne sais pas faire. J’incarne un rôle, celui qu’on me donne… bon, parfois j’ai la possibilité d’ajouter des touches à mon personnage, pour le rendre un peu plus personnel mais ce n’est pas souvent, malheureusement. Beaucoup de gens n’aiment pas que l’on veuille modifier des éléments. Ils prennent ça comme une attaque, un manque de confiance. C’est un peu comme une chanteuse qui réarrange les accords d’une mélodie… Mine de rien, faire un scénario c’est compliqué… il faut avoir de l’imagination, diviser l’histoire en plusieurs parties, prévoir les dialogues, les gestes des personnages… comparé à ce que je fais, c’est titanesque. Et je suppose que ça doit être pareil pour vous. Mais au final, vous avez la satisfaction du résultat… et elle vous appartient entièrement. Si au bout vous avez quelque chose, c’est uniquement grâce à vous-même. Et vous pouvez en être fière !

C’est vrai qu’il était toujours difficile de faire tout soi-même mais les lauriers étaient ensuite mérités. C’était un peu ce que cherchait Jake en touchant à la production. Après tout le producteur concevait le film de A à Z, c’était lui qui se chargeait du casting, des annonces de pub, des séquences de montages… Bref, lui le grand superviseur. Il était important de ne pas oublier l’ouverture, ceci dit. Mais ça Juliana devait être bien placée… si demain Mick Jagger lui envoyait une chanson spécialement écrite pour elle, il ne faisait nul doute qu’elle n’allait pas la refuser. Se voir accorder une quelconque importance par un plus grand que soi, était un honneur pur et simple. C’est comme si Steven Spielberg appelait Jake pour lui proposer de tourner dans un film… même en temps que second rôle, il accepterait, juste pour approcher cette légende du cinéma américain. Lorsque l’on travaille dur, il est important d’avoir un résultat personnel qui convienne mais parfois une récompense apporte un petit plus à une carrière professionnelle. Ils avaient beau travailler dans deux domaines différents, Jake n’en était pas moins plus compréhensif envers Juliana. La jeune femme lui semblait plutôt solitaire et il était difficile d’être inspiré lorsque l’on se sent seul. Et puis, la gloire ne s’obtient pas forcément tout seul. Un tiers peut aider, assister la personne, en l’écoutant par exemple… Les meilleures chansons étaient celles faites en privé… elle transmettait au public ce désir d’être en petit comité. Les gens aiment ce genre de choses.

- Je n’ai pas écouté vos précédents albums mais je vais foncer au magasin de CD le plus proche. N’empêche que vu ce que j’ai entendu tout l’heure, je ne serais pas déçu. Vous avez du talent et les gens pourront dire ce qu’ils voudront, vous savez vous débrouiller toute seule.

Il se rapprocha et eut un sourire amusé, celui qu’il affichait, lorsqu’il allait sortir une connerie :

- Vous saviez que les demoiselles célibataires qui ont de l’audace et du tempérament attirent les hommes ? Tenez, admettons que cet homme là-bas…

Il désigna rapidement du doigt un autre client, d’à peu près son âge qui mangeait tranquillement se salade de fruits. Jake poursuivit :

- Supposons qu’il soit à ma place… Il discute de la même façon avec vous. Il est célibataire. Vous lui dites exactement la même chose qu’à moi et il en tire deux conclusions : la première c’est que vous n’êtes pas arrogante, vous ne lui dites pas que vous faites tout, toute seule et que vous en êtes fière. Et la seconde, c’est que vous êtes travailleuse… pour peu qu’il vous connaisse un peu, il en arrive alors à la conclusion que vous avez du courage de faire votre métier aussi dur soit-il. Au final, il vous admire et décide d’acheter tous vos CD en édition collector limitée…

Il eut un léger rire amusé puis il mangea à nouveau sa glace. Attention, ceux du fond, là bas… N’y voyez rien d’une tentative de drague, je rappelle à ce qui l’aurait oublié que Jake sort encore avec Bry’ et qu’il n’a pas l’intention de draguer qui que ce soit… du moins pas encore… [XD] C’était donc un petit délire amical, qui n’engageait personne. Il ajouta, sur un tout autre sujet :

- Vous savez, la vanille est un arôme très utile pour stimuler le cerveau… C’est ma mère qui me l’a appris. A ce qu’il paraît ça aide au travail et à l’effort… et le chocolat est un excellent remède pour le stress… vous voyez, cette glace, pour vous, c’est tout bénef ! Bon… pour la meringue et la chantilly… euh… c’est pour éviter l’hypoglycémie… ça arrive parfois…

Un autre sourire de bonne humeur. Décidément, le repas était très agréable. Et pour la première fois, Jake blaguait et parlait sainement avec une chanteuse. D’habitude, il les fuyait pour leur attitude hautaine et diva… qui était insupportable ! Mais ce n’était pas le cas de Juliana, fort heureusement.

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Si Bichou la voyait avec un dessert aussi énorme, sûr qu’il ferait une crise cardiaque sur le chant. Vous vous rendez compte, sa chanteuse aux délicieuses formes mangeant une glace avec du chocolat, de la meringue et de la … chantilly ? Il faut bien l’imaginer devant cette coupe calorique à souhait : ses grands yeux s’ouvrent comme s’il venait de croiser un fantôme, sa bouche laisse échapper un cri digne des navets des années 50, il se sent trop compressé dans ses costumes D&G et frôle même l’apoplexie, son cœur s’emballe et comme une chochotte, il tombe de tout son long sur le sol. Exagéré ? Bon d’accord … mais pas tant que ça à vrai dire ! Quand Juliana, en pleine déprime, était dans sa phase « je me sens mal alors je mange » elle faisait monter des gâteaux, des plats de macarons, des coupes de glace deux fois comme celles-ci, des tablettes de chocolats, des boîtes de chocolat à en faire une crise foie de chez Martine’s sans oublier les jelly babies, des confiseries anglaises à se damner. Oui, quand la chanteuse dévorait, ce n’était certainement à moitié comme vous pouvez le constater. Disons que c’était juste un moment mauvais et que c’était la faute de Matthew Sullivan qui lui avait brisé le cœur, qu’il fallait compenser par quelque chose de doux et qui ne pourrait que lui faire du mal à son pauvre foie, puis surtout à sa balance car elle avait accumulé quelques kilos malgré tout. Le duo sédentarité et calories donnaient un poids au dessus de l’habitude. Le pire fut que c’était des mauvais kilos, donc la jeune femme avait du mal à chanter et reprendre son souffle. Il fallut tout reprendre : sport intensément dans la salle de l’hôtel qui était à sa disposition, des séances de relaxation, un nutritionniste ainsi qu’un professeur de chant qui fit quelques raccords vocaux. Oui, la grosse artillerie mais le manager ne négligeait pas la jolie chanteuse qui non seulement était une véritable poule aux yeux d’or mais aussi une amie qui avait besoin de se changer les esprits. Après tous ces efforts, vous comprenez aisément pourquoi elle avait un peu rechigné avant de daigner manger sa glace. La nourriture ressemble à une dépendance et les excès sont faciles à arriver, il fallait faire attention. Mais elle mangea quand même, on ne peut résister quand un dessert semble si délicieux. Et il l’était, il fallait le savourer pour ne pas plomber l’estomac ni même ressembler à une morfale, ce qui n’était pas son genre. Puis pendant cette dégustation, la conversation suivait son cours allègrement.

Jake avait raison, Ju’ était une femme indépendante, elle choisissait ses compositions, décidait tout sur son album, des chansons aux musiciens en passant par les photos, la couverture et le titre. On lui proposait, on lui indiquait des chemins mais telle une reine, seule elle avait le dernier mot. Enfin il en fut ainsi pour ses deux albums aux Etats-Unis, ce n’était pas pareil en Angleterre. Si c’était bien ses compositions pour plus de la moitié, son autre manager et sa maison de disque l’instrumentalisaient à sa manière. Une raison de vouloir partir et s’exporter ailleurs, pour avoir un peu plus de liberté. A ses yeux, son troisième album fut vraiment le meilleur des quatre. Pour la première fois, on lui faisait vraiment confiance et on lui laissait carte blanche. A elle donc ses compositions, quelques collaborations mûrement choisies, une indication sur le style de l’album pour faire les photos adéquats … Sur le sol américain, Baby Bennett grandit et laissait la place à une femme d’affaires mûre et avec des idées arrêtées. Ce fut pareil pour l’album suivant même si à l’écoute, Julia ne fut pas autant satisfaite qu’elle le devait. De toutes manières, on avait tous des préférences sur certaines musiques et albums de nos chanteurs favoris. Quant au prochain, il faudrait vraiment que la demoiselle s’y mette, sa couverture de la comédie musicale ne tiendrait pas éternellement. Jake lui montrait l’avantage d’être indépendant et elle hocha de la tête tout en le montrant de la cuillère.

Vous savez jouer devant une caméra, c’est déjà bien, tout le monde ne peut pas en dire autant. Je comprends quand les scénaristes ne veulent pas qu’on modifie, je n’aime pas quand on me dit qu’il faudrait modifier car ça ne va pas. Je travaille des jours rien que sur une chanson, voire même juste sur la mélodie. Alors que quelqu’un vienne et vous dise qu’il faudrait rajouter ou enlever des éléments, il y a de quoi irriter. Enfin pour l’instant, c’est moi-même qui fais grève, ce n’est pas bien pratique non plus, je peux vous l’assurer. Je suis extrêmement perfectionniste alors je dois rester longtemps sur un morceau avant qu’il me plaise ou qu’il parte pour la poubelle. J’imagine toujours la version studio, donc celle qui sera sur l’album, et une version scène, que je modifie légèrement pour ne pas non plus faire trop copier avec le CD, je ne veux pas qu’on pense que je chante en play-back. Cela m’est arrivé deux ou trois fois depuis le début de ma carrière mais c’était sur des plateaux de télévision car j’étais malade. Enfin … pour en revenir à mes albums, c’est vrai que je dirige tout mais parfois je ne suis pas satisfaite. Trop dure avec moi sûrement mais quand on aime son métier, on le fait bien. C’est comme vous quand vous êtes en tournage, vous refaites les prises plusieurs fois pour être sûr que le résultat soit concluant.

Heureusement que sa chambre d’hôtel était insonorisée, la jeune femme passait des heures sur son piano à faire courir les doigts, retoucher une mélodie imaginée ou travaillée depuis des jours, y apporter des touches subtiles, la modifier pour que cela colle sur un texte précis ou alors que la mélodie puisse accueillir facilement une chanson écrite plus tard ou qu’on lui a donné. Pendant un moment, elle y travaillait durant des nuits entières, sans être sûre réellement si le résultat serait au rendez vous. Combien Juliana avait composé de musiques et/ou de paroles depuis ces derniers mois ? Une bonne trentaine. Combien avait trouvé grâce à ses yeux ? Deux ou trois maximum. Mais aucune chanson complète, elle en était toujours au point mort. Ce n’était pas vraiment sa vie de tous les jours qui l’inspiraient. Des évènements lointains aussi comme les guerres, la misère … Mais c’est vrai que pas mal d’entre elles touchaient à son environnement. Jamais pourtant elle n’écrivit de textes pour Matthew particulièrement. Elle y fit référence, du moins à l’amour qu’elle portait à quelqu’un, dans certaines paroles mais rien de plus. Ses chansons avaient des portées universelles, c’était une sorte de but. Tout le monde pouvait se reconnaître soi ou un proche et pas qu’on se dise « Juliana est malheureuse » ou « Juliana vit une belle histoire d’amour ». Même si sa vie privée influençait sa vie professionnelle, à ses yeux il y avait un large fossé.

Puis l’acteur face à Ju commença à lui parler en montrant du doigt un jeune homme plus loin. C’est fou, tout ce qui lui disait lui fit rappeler Matthew. La première fois qu’ils s’étaient rencontrés, bien que le garçon était réputé bady boy, Juliana n’avait pas eu peur d’engager la conversation et ils avaient parlé de leurs métiers, de la façon dont ils s’en sortaient. Son ex lui avait dit que c’était courageux de la part d’une jeune femme de se plonger autant dans le travail et l’avait félicitée. La jeune femme n’avait jamais aimé reposer sur des lauriers. Si tous ses albums ont été des cartons, il n’empêchait qu’elle voulait prouver qu’elle pouvait toujours faire aussi bien, voire mieux au fil des années. On est pointilleux sur les détails ou non, il n’y a pas vraiment de demi-mesure. Aux paroles de Jake, elle ne fit qu’un sourire en secouant la tête comme si elle disait qu’il était à moitié fou tout en ayant raison. Qu’on aime ou non les chansons de la demoiselle, on pouvait admirer son acharnement et son professionnalisme. Puis elle se mit aux éclats sur la manière dont l’acteur tournait leur dessert en aliment nutritif.

La meringue apporte des protéines avec les blancs si vous ne voulez pas me faire culpabiliser. De toutes manières, je mange maintenant puis après ce n’est pas avant la fin du spectacle, environ vers 23h. J’ai besoin de calories à brûler sur scène pour être en forme … C’est bien, vous arrivez à tourner une mauvaise situation en plaisanterie, ça prouve une nouvelle fois que vous êtes bon acteur, vous êtes rarement pris au dépourvu. C’est une très bonne qualité.

Elle lui fit un large sourire avant de prendre une cuillère de glace et chocolat. Un véritable délice pour les papilles.

- Euh… oui si on veut… Merci du compliment… Mais vous savez, il m’arrive des fois de ne pas savoir quoi dire, alors je sors deux ou trois vannes pourries. Lorsque j’ai fait du théâtre, on avait dit au souffleur de ne pas m’aider, si je venais à oublier mon texte… C’était du Shakespeare, pensez donc ! La pièce est impossible à mémoriser en intégralité ! Il y a beaucoup de termes qui sont techniques et les discours sont plus que passionnés. J’ai eu un trou sur un dialogue. J’avais complètement oublié ma réplique. Personne ne m’a aidé à la retrouver. Alors j’ai improvisé, en quelque sorte, j’ai inventé un bout de dialogue. Tout ça c’est joué en deux secondes, ça m’est venu presqu’instinctivement. Le prof de théâtre est venu me voir après le spectacle. Moi, tu parles, j’avais une trouille bleue, pour rien en fait. Il m’a simplement dit que j’avais de l’avenir. Je me suis senti si bête que je lui ai répondu une bêtise dont je ne me souviens même plus. Il a bien rigolé puis il est parti. Je m’attendais à prendre un savon et au lieu de ça j’avais eu un compliment. Alors depuis, j’essaie de garder cette capacité à improviser dans chaque situation. Il m’arrive encore d’être pris au dépourvu mais, je triche… je fais ma petite impro.

Même dans son travail, s’il venait à oublier un détail, il faisait son possible pour pallier à ça. Résultat, les scénaristes qui avaient imaginés la scène voyait un autre aspect, un autre point de vue à aborder. C’était utile. La plupart d’entre eux n’aimait pas modifier les personnages mais en revanche, les expressions et les dialogues constituaient une variable plus exploitable. Un simple petit mot, modifié, pouvait embellir une scène ou alors la réduire en bouillie… Une telle influence était importante et en même temps à surveiller de très près. Jake n’était pas doué pour réciter son texte. Il avait toujours plusieurs oublis. Mais, avant de signer un contrat, il en faisait part aux membres de la production. En fonction de leur réaction, il prenait sa décision finale. Ce n’était pas toujours simple, les réticences existaient mais bon, après quelques essais concluants, tout s’harmonisait. Un des éléments majeurs du tournage, était sans doute, la surprise que telle ou telle réplique pouvait avoir sur l’acteur ou l’actrice en face. Cela posait deux conditions : il fallait que la personne en face soit patiente, Jake aimait tourner et donc les journées étaient plutôt longues (et puis, il accordait des nuances nouvelles afin de donner l’embarras du choix) et il fallait aussi qu’elle sache improviser. Au-delà du ressentiment qu’il éprouvait pour Carrie, il espérait, étant donné qu’il était obligé de faire équipe avec elle, qu’elle ne soit pas prise de tête. Oh, ne faites pas ce petit sourire… ça existe les chieuses… et à cet instant là, Carrie était sans doute l’exemple le plus frappant de cette catégorie…

- Vous, vous n’avez pas ce genre de chance… je veux dire, sur scène, vous êtes obligée de vous souvenir de vos textes. C’est assez dur, un simple mot de changé et ça casse la chanson. Mais vous avez un avantage très sérieux. Il est plus facile d’apprendre une mélodie que l’on a conçue. Les paroles sont de vous, donc vous savez dans quelle direction vous allez. Bien sûr, la pression du public ne joue pas en votre faveur… c’est du direct, la scène que ce soit au théâtre ou en musique. Vous vous plantez et voilà, c’est immédiat. Moi, je fais dans le différé, et je suis un gros fainéant ! C’est vrai, je pourrais au moins apprendre mon texte par cœur…

Il eut un sourire amusé. Parfois il entendait des gens râler sur le plateau mais bon, c’était Underwood, on ne pouvait pas vraiment le changer. Il était discret sur sa vie privée, plutôt indépendant, ambitieux, travailleur et pervers… oui enfin, je le précise encore même si je sais que c’est inutile [XD]… Mais, bref, ce n’était pas le sujet. Jake avala une nouvelle cuillérée de glace. Il était mi amusé mi indigné par les habitudes alimentaire de Juliana mais il n’en dit rien. Après tout, elle faisait ce qu’elle voulait. Juste que lui préférait des formes harmonieusement dessinées [alors là… les pervers du genre Chris… ils se taisent ! XD] plutôt que les tas d’os. La jeune femme se trouvait au milieu, en fait. Elle était normale, bien qu’un peu fine. Mais, ce n’était pas tant pour le poids qu’il fallait faire attention, plutôt à sa santé. Les carences en vitamines et en sucres, généralement constituaient les principales causes de maladies plus ou moins graves. Cependant, Jake était satisfait. Que la chanteuse mange sa glace prouvait qu’elle n’était pas anorexique ou en pleine déprime. Il ignorait que durant ses baisses de moral, elle avait eu tendance à être boulimique. D’ailleurs, cela ne se voyait pas !

- Vous disiez tout à l’heure que vous étiez exigeante envers vous-même. Et ça aussi, c’est une qualité. Moi, à part mes petits soucis de texte, je sais que je me donne à fond pour un film. Qu’il fasse un succès ou un flop, je m’en fous un peu… Oh bien sûr, c’est mieux s’il marche et qu’il cartonne. Mais l’essentiel c’est de donner une partie de soi et d’y investir son énergie. Quand un film est joué avec passion, s’il s’avère être un échec financier, tant pis. Cela encourage pour la prochaine fois à ne pas refaire les mêmes erreurs. Tout est une incitation à l’amélioration. Mais je donne mon maximum pour ne pas regretter par la suite. Se plonger à fond dedans, ça se sent. Vous vous investissez beaucoup dans vos albums, vous ne voulez pas laisser passer des petits détails. C’est pour ça que vous avez du succès. Lorsque j’aurais complété ma discothèque personnelle de vos titres, je suis sûr et certain que je vais adorer. Des heures et des heures de boulot pour un CD ou un DVD… qui sera vendu à énormément d’exemplaires et plébiscité par la presse. C’est le résultat de l’exigence. Un beau cadeau, en somme.

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La discussion allait et venait sans problème, de bonnes réparties avec toujours une pointe d’humour. Vraiment un déjeuner agréable sans de grands problèmes des conversations avec des inconnus, c'est-à-dire les blancs. Souvent, quand on ne connaît pas la personne en face, il arrive régulièrement qu’on ne trouve rien à se dire autre que des banalités dont on fait très vite le tour, surtout quand on protège sa vie privée et qu’on ne veut pas se montrer indiscret. Comme quoi, on peut se dire beaucoup de choses sans se connaître ni entrer dans des détails de la vie intime de l’autre. Il fallait juste avoir en face de soi une personne qui en avait dans la tête et qui avait aussi une bonne répartie. Quoi de mieux qu’un acteur pour cela ? Quoique, certains pouvaient être éblouissants à l’écran mais se révéler dans la vie de véritables huîtres, aussi fermées et aussi stupides. Enfin, c’est méchant d’insulter les huîtres de la sorte surtout que c’est délicieux mais revenons plutôt à notre sujet. Jake Underwood était un garçon très plaisant dans ses mots. Il était typiquement américain par ses attitudes, sa manière de se tenir, d’être puis il avait cette franchise, ne cachait pas ce qui l’indignait, ce qui lui plaisait et ne cachait rien. Il fallait faire la part des choses, tous les acteurs n’étaient pas des bellâtres complètement incultes et se croyant au dessus de tous. Une preuve avec son compagnon de table qui était certes très beau mais qui n’en profitait pas ni se montrait hautain. Au contraire, il faisait preuve de modestie, il n’y avait qu’à voir sa façon de répondre et de prouver qu’il n’était pas non plus de ces acteurs décrit ci-dessus. Puis il se mit à parler quand il a joué du Shakespeare et en bonne anglaise qu’elle était, Juliana l’écouta avec attention. Ses œuvres étaient de grands classiques et même incontournables dans la contrée de la demoiselle qui connaissait certains passages par cœur. Ce n’est pas parce qu’elle n’était une comédienne mais cela n’empêchait pas de s’y connaître à ce niveau. C’était vrai que le texte était toujours dense et difficile, surtout pour les rôles principaux. Puis en plus d’un texte lourd dans un vieux langage d’époque, il fallait rajouter des costumes, une gestuelle et une coordination de tout cet ensemble. Tout un travail d’organisation que Ju’ pouvait un peu admirer en travaillant dans sa comédie musicale même si les paroles de chansons et les petites scènes de comédies étaient beaucoup plus faciles à apprendre et à retenir, il fallait bien l’avouer. La jeune femme posa ses coudes sur la table, la cuillère toujours dans l’une de ses mains à l’écouter, étonnée. D’ailleurs son visage montrait la surprise avec ses grands yeux bleus.

Vous avez joué du Shakespeare ? Alors là je vous félicite de n’avoir eu un oubli de réplique qu’une seule fois car je connais ses pièces et elle ne sont pas des plus simples à retenir ! Quelle pièce avez-vous joué ? Et quel rôle ? Je suis curieuse car j’adore cet auteur, je connais de longs passages. Mon préféré est Songes d’une nuit d’été. C’est hyper difficile de jouer sur une scène j’ai pu le constater quand j’ai vu une pièce à Londres il y a quelques années. Vous avez du travailler d’arrache pied pour arriver à votre rôle et ne faire qu’un seul oubli !

Elle sourit, contente de voir qu’elle avait raison au sujet de Jake, qu’il était un type sympa mais aussi un très bon acteur. Les deux étaient donc possible, le garçon en était la preuve. Mais Juliana savait se fier à son instinct et si elle l’aurait trouvée prétentieux, elle se serait levée et serait partie, quitte à passer pour une fille froide et distante avec les gens. Si vous saviez comme la demoiselle se fichait pas mal de cette étiquette de chanteuse au cœur de glace, ça la laissait de marbre véritablement. Enfin, là pas de quoi partir ni rien, la chanteuse se sentait bien ici et avait même reprit de manger son dessert avant qu’il ne soit trop fondu. Et Julia l’écoutait parler avec attention.

Ah … ses concerts. Qu’est ce que cela lui manquait. La jeune femme adorait être sur scène devant plusieurs milliers de fans qui reprenaient en chœur ses chansons, dansaient, criaient pendant qu’elle chantait, dansait, se mettait au piano et racontait un peu sa vie. On pouvait la voir parfois, s’asseoir au bord de la scène et parler. Juliana racontait comment telle chanson était née ou alors le bonheur d’être dans cette salle avec un public aussi prévenant et chaleureux. Les gens criaient de joie, heureux d’avoir un artiste qui discutait, ne se contentait pas seulement de dire bonsoir, d’enchaîner les chorégraphie et les mélodies puis saluaient avant de repartir sans même un rappel. Une heure et quinze minutes chrono. Elle, pas du tout. Juliana arrivait comme bon nombre d’artiste en retard sur scène mais elle faisait vivre ses chansons, il y avait une interaction avec le public et puis cela durait toujours plus longtemps. Les rappels se comptaient au nombre de deux ou trois, c’était une ambiance qu’elle aimait même si ces concerts n’étaient pas non plus des shows immenses sur la scène du Madison Square Garden mais c’était pas mal à son échelle. Il fallait se contenter d’une taille de salle raisonnable, avec des prix pas trop exorbitants mais avec une ambiance du tonnerre. Rien que pour cela que l’anglaise avait hâte de terminer –ou plutôt de commencer– son nouvel album pour retrouver son public. Certains jubilaient de remporter des prix ou de vendre des disques mais elle c’était de savoir que les gens ressortaient du concert avec un sourire heureux. Alors pour Juliana, le public n’était pas du tout une pression mais plutôt un facteur d’encouragement et un énorme élan d’amour ! D’ailleurs, elle donna une petite tape sur la main en signe de désaccord.

Ah non, là je ne vous suis pas du tout. Ca doit faire longtemps que vous n’avez pas assisté à un concert. Quand on va à un concert, c’est qu’on aime l’artiste. C’est donc environ 2.000 personnes, même 5.000 qui vous attendent, veulent vous voir et crient quand vous arrivez. C’est un bonheur indescriptible de savoir qu’ils viennent rien que pour vous. Ca ressemble à …

Elle leva sa cuillère pour chercher un mot et ne fit qu’envoyer quelques morceaux de chantilly sur elle. Maladroite ? Non, un peu emporter par son discours. S’essuyant du revers de la main, l’anglaise se mit à rire discrètement. Elle en avait même oublié son mot pour décrire ses concerts. C’était tout simplement orgasmique, pour elle, c’était vraiment jouissif de recevoir tant d’amour comme ça. C’était si beau qu’on avait hâte de recommencer à la prochaine date. Puis la demoiselle reprit après avoir prit une serviette pour essuyer son haut.

Enfin, il ne faut pas croire que je me souvienne de toutes mes chansons des mes albums. Je vais vous avouer un petit secret : quand j’oublie les paroles, je tends le micro au public en leur disant que c’est à eux. Et là, vous entendez toute une salle qui chante en chœur, ravi de montrer ses connaissances sur vos chansons. Alors, c’est tout simplement magnifique. Donc, moi aussi il m’arrive d’oublier mes textes mais j’ai aussi mes souffleurs.

Un large sourire se dessina sur ses lèvres pulpeuses, même si légèrement nostalgique de ne pas pouvoir encore y remonter. Bientôt, elle y retournerait, ce serait une motivation supplémentaire pour se remettre à l’écriture et la composition. Son retour sur scène serait peut être grandement attendu. Et de savoir qu’en quelques jours ou semaines, ses dates seraient complètes, seraient le plus beau des cadeaux. C’est bien de faire un bel album mais s’il n’y a personne pour l’écouter, ça ne servait strictement à rien. Puis la presse, c’est sympa les compliments mais si personne n’achète, ça ne sert à rien. La récompense par les professionnels, c’est sympa mais c’est tout de même mieux de voir la vente de ses disques s’envoler autant que les billets de spectacles.

Avouez que c’est quand même mieux si votre film ou votre série marche. Avoir donné tant d’efforts et qu’au final, personne ne le voit, ça a un côté frustrant. Personnellement, je ne demande pas non plus à exploser les records de ventes ni des récompenses même si c’est toujours flatteur, je veux qu’on aime. Ne me dites pas que si votre série s’arrête par manque d’audience, vous ne serez pas déçu, je ne vous croirais pas !

Elle lui lança un regard un peu moqueur. Quand on devient un VIP, on aime réussir. C’est un peu le but après tout …

A vrai dire, étant donné qu'il devrait collaborer avec Carrie... ça risquait d'être difficile. Il la détestait sans même la connaître. Bon, c'était du au fait qu'elle avait fait du mal moralement à Chris... et puis il aurait du tenir sa langue, le nom de l'actrice lui avait échappé et le producteur, présent avait retenu Carrie Evans pour le second rôle de la série... Elle allait jouer quelqu'un d'assez mauvais. Et dans l'esprit d'Underwood, c'était tant mieux. Même dans la vie privée elle n'avait aucun mal à être une pétasse finie donc, jouer cette personnalité lui irait comme un gant de laine sur des mains fragiles ! Jake espérait simplement qu'elle ne gâcherait pas tout. Et qu'il arriverait à finir une scène sans avoir envie de la gifler. Il voyait déjà le truc... tous les deux en train de tourner, elle avec des pointes aussi stupides qu'acerbes et lui tentant de l'ignorer. Et puis le mot de trop qui mettait un terme à la situation en faisant péter les plombs de l'acteur. Déjà qu'avec les mecs qui le gonflaient, il n'y allait pas de main morte, ce n'était pas le fait que Carrie soit une femme qui allait l'arrêter ! Alors, oui, il aurait de la peine pour la série mais ne se sentirait pas fautif. Intérieurement, il était remonté contre elle et s'il y avait un problème, forcément, c'était Miss Evans la responsable ! Elle serait coupable du flop, inévitablement !!!

Tentons de relativiser. Après tout, l'acteur n'était pas à loin d'apprendre le fâcheux coup d'un soir de son amant avec elle. Et lorsqu'il allait en avoir connaissance, les chances pour qu'il garde son calme étaient minimes... bon d'accord, j'arrête la mauvaise foi : inexistantes ! Après suivant l'évolution des choses, il pourrait peut-être avoir un œil différent sur la situation. Jake était quelqu'un d'ambitieux. Il aimait beaucoup monter des projets. Et là, étant donné qu'il coproduisait en quelque sorte la série, ce serait un test pour son avenir. S'il parvenait à construire une base assez solide dès maintenant, nul doute qu'il aurait des références pour évoluer toujours plus haut. Un jour, peut-être, parviendra-t-il à produire un long-métrage dont le succès sera mondial ? Qui sait. Et il était possible aussi qu'il récupère des récompenses... mais ça, c'était l'avenir qui le lui dirait ! Pour l'instant, il était toujours un simple acteur qui potassait son jeu autant qu'il le pouvait pour se faire repérer et se voir soumettre des projets. Tous les autres faisaient ça, eux aussi. Le but principal étant de vivre à fond sa passion, Underwood n'avait aucunement l'envie de brûler les étapes. Un peu de films, un peu de séries, un peu de théâtre, pourquoi pas et voilà qui constituerait un beau CV.

- Oui, vous avez raison, je serais déçu de voir cette série annulée au bout de quelques épisodes. Surtout que pour moi, ça constitue un bagage important, je participe à la production. Si ça devient un succès, je pourrais par la suite profiter de cet atout pour ma carrière. Mais, bon, comme dans un concert, le succès d'un spectacle quel qu’il soit ne vient pas que d'une personne. Vous avez vos musiciens, vos arrangeurs, et moi j'ai les autres acteurs ou actrices qui me donnent la réplique, les scénaristes et tout le reste. C'est compliqué de faire cohabiter tout le monde. Surtout sur les séries. La première que j'ai tournée, c'était assez anarchique... les autres acteurs voulaient être plus présents, d'autres voulaient avoir un peu de liberté dans leur jeu. L'ennui, c'est que pour ce genre de tournage, tout doit être bien calculé ! Le budget est très serré, le nombre de prises aussi et on ne peut pas satisfaire tous les caprices.

Un léger sous-entendu à l'encontre de Carrie ? Oh que oui... mais bon, c'était implicite et peut-être que Juliana ne verrait pas cela comme une pique adressée à l'actrice. Et dire que les deux ne s'étaient jamais parlé... Miltonfine était celui qui l'avait fait connaître aux yeux de Jake, parce qu'avant cette histoire, il ne savait même pas qu'elle était née ! C'est fou comme les choses peuvent être idiotes parfois. Souhaitons juste pour l'avenir de la série et des deux têtes d'affiches que tout se passera comme prévu et dans la meilleure ambiance possible. Etant donné que les deux artistes avaient un fort caractère, les disputes pourraient vite tourner au pugilat ou au lynchage ! On verra bien de toute façon...

- Ce n'est pas idiot comme méthode, de tendre le micro vers le public ! Je n'y avais pas pensé... dommage que je n'ai pas non plus ces souffleurs là... Pour la pièce que j'ai joué, c'était Roméo et Juliette. Devinez qui j'ai joué... c'était mon tout premier rôle. On devait jouer la pièce devant les parents, et les autres... la plupart sont venus pour passer un bon moment, sans vraiment de conviction. "Un dernier regard, mes yeux ! Bras, une dernière étreinte ! Et vous, lèvres, vous, portes de l'haleine, scellez par un baiser légitime un pacte indéfini avec le sépulcre accapareur ! Viens, amer conducteur, viens, âcre guide. Pilote désespéré, vite ! Lance sur les brisants ma barque épuisée par la tourmente ! À ma bien-aimée ! Oh ! L’apothicaire ne m'a pas trompé : ses drogues sont actives... Je meurs ainsi... sur un baiser !" (Il joua son texte avec une certaine passion, en buvant son verre au lieu du poison). C'est la seule partie de mon texte que je me souvienne sur le bout des doigts. Elle m'a profondément marqué. Lorsque j'embrasse Juliette, juste après et que je meurs à ses côtés, il y a eu un petit silence dans la salle et les gens ont applaudi... la scène n'était même pas finie. Je me suis senti bizarre... j'étais par terre à faire semblant d'être mort et j'avais envie de retourner en coulisse... c'était trop pour moi. En tout cas, si je devais rejouer du Shakespeare, il faudrait que je travaille ma mémoire. Il y a des mots que l’on n’invente pas dans ces œuvres.

Il regarda son verre et ajouta :

- C'était un auteur admirable ! Tout ce qu'il a écrit est une véritable œuvre, comme une Joconde. C'était aussi la première fois que j'embrassais une fille devant mes parents...

Il eut un franc sourire en y repensant. Bon, heureusement, ses parents n'avaient jamais été très puritains. Même si, il faut l'admettre, ils n'avaient jamais été aussi pervers que Jake !

Invité

Dans le monde de la célébrité, tout le monde ou presque voulait attirer l’œil. Vous savez, comme ces gens derrière les caméras des journalistes sur le terrain qui font des grands gestes en espérant se faire repérer par quelques uns ou que les amis les voient, comme ça l’audacieux serait reconnu car il a été sous les feux de projecteurs, même durant quelques secondes. Là, cela revenait au même. Plus on se fait voir, plus les gens vous connaissent, vous aiment et plus les projets affluent. Il fallait se montrer, être dans la lumière et après y rester. Voila le plus difficile. La jeune femme le savait bien vu que depuis quelques mois, elle ne faisait plus rien, peu de gens l’appelaient pour lui présenter des maquettes, proposer des compositions ou un duo alors qu’avant, elle n’en avait que trop durant ses années de gloire. Retourner sous les projecteurs, c’était un passage obligé même si la jeune femme détestait les médias, les interviews et les centaines de flashs sur les tapis rouge où il fallait sourire. Mais comme on a rien sans rien, il fallait faire des sacrifices et donner aux gens ce qu’ils veulent de temps en temps. Comme ça, Juliana pourrait ressortir un nouvel opus et remonter sur scène. C’était beau de faire une comédie musicale mais elle n’était pas là depuis le début, se sentait un peu étrangère et ne pouvait pas jouer trop la star, bien que ce ne soit pas son genre, mais elle ne pouvait pas faire ce qu’elle fait d’habitude en solo. Et quand Jake lui parla de sa première série avec l’organisation anarchique, Ju’ sourit en comprenant tout à fait de quoi il parlait. La chanteuse était mieux payée que les autres à cause de son statut et ses récompenses, ce qui ne plaisait pas aux autres, plus anciens mais moins connus. Sauf que la jeune femme ne se prenait pas la tête avec ce genre de détails, son manager avait négocié le contrat, elle l’avait signé et chantait tous les soirs. Point. Pas besoin d’en faire plus, si ce n’est parfois de voir les regards noirs de ses collègues avec qui elle chantait plusieurs soirs par semaine. Alors quand il finit de parler, l’anglaise ne put s’empêcher d’approuver ses dires d’un vif hochement de tête.

Oh mais c’est pareil un peu partout, je peux vous l’assurer ! Je sais de quoi je parle vu que dans la comédie musicale où je me trouve, c’est exactement pareil. Je suis la plus célèbre et comme ma venue est provisoire, les responsables ont tout misé sur moi. Vous verrez, les affiches je suis devant ou alors seule. Je suis le rôle principal mais pour eux, c’est trop. Alors chacun cherche à tirer la couverture vers eux. Je les laisse faire, ces querelles d’enfants, je n’en veux plus, j’ai largement passé l’âge ! Et nous, on n’a pas le droit à une seconde chance, c’est du direct. Si l’un d’entre nous se plante, il faut se rattraper ou assurer la chute de l’autre. Pas tous les soirs facile mais il suffit de s’y habituer. Et je vais y rester trois mois … six au grand maximum alors je pourrais survivre, j’ai connu pire !

Elle lui adressa un petit sourire amical avant de reprendre sa glace qui était tout simplement un délice. Un petit plaisir qu’elle n’avait plus l’occasion de goûter mais une fois qu’elle n’aurait plus à porter ces costumes étriqués, Julia pourrait se lâcher un peu plus sur la nourriture, avec modération bien sûr. Car si on la laisse faire, la jeune femme blonde pourrait bien manger tout sur son passage, refaisant ses crises de boulimie ou d’hyperphagie comme il y a quelques mois. A éviter donc alors il fallait faire attention tout en ne se privant pas. La chanteuse était une grande fille, elle faisait ce qu’elle voulait, peu importe ce que lui dirait Bichou, elle n’en ferait qu’à sa tête. Têtue ? Oh que oui et ce n’est pas toujours un compliment …

Puis la conversation reprit sur les concerts. Juliana utilisait son public quand elle avait un trou ou juste par plaisir. Toute une salle reprenant des paroles, c’était beau à un point inimaginable. Comme une énorme chorale improvisée, ne chantant pas juste certes, mais dont le geste était terriblement touchant, rendant le moment très beau. La première fois que ça s’était produit, il y eut dans le cœur de la jeune femme une flamme chaude et douce, son visage transformé par la surprise et la joie, même une petite larme qui avait coulé. Même si aujourd’hui, même si cela se voyait moins sur son visage, la jeune femme n’en restait pas moins heureuse d’entendre inlassablement ce petit morceau de concert pour elle avant de reprendre pour ce public qui lui donnait tant de bonheur. Puis cela passa à tout autre, Shakespeare. Rométo et Juliette était sûrement une des pièces les plus jouées dans le monde, en tout cas ça l’était à Londres, ville de spectacles et de théâtres où les mots du grand maître anglais avaient été adaptés fidèlement à l’œuvre, de manière plus contemporaine, en chant, … En presque tout ce que vous voulez, il était difficile de trouver une idée originale de la concevoir, d’autres avaient trouvé avant. Jake avait été Roméo, rôle difficile tant les répliques sont dures et longues, il fallait de la motivation pour la jouer. D’ailleurs il en récita un morceau avec passion, comme s’il était dans la pièce. Triste scène que la fin de la pièce, Juliana connaissait les mots mais le laissait faire jusqu’à ce qu’il finisse en buvant son verre comme s’il s’agissait du poison. Elle applaudit, cela avait été bien joué, Jake avait du talent, c’était même indéniable.

Bravo en tout cas de cette petite réplique jouée pour moi. Vous n’avez pas eu le rôle le plus facile à jouer et vous l’avez aussi bien interprété que devant moi, je ne doute pas que vous avez été acclamé comme il se doit. Croyez moi que vous la jouez avec plus de sincérité que ces acteurs soit disant sortis du Conservatoire qui sont des Roméo de pacotille qui ne vous donnent pas envie d’aimer ni de quoique ce soit, juste de vous endormir dans votre fauteuil ! Vous aviez quel âge avec cette pièce ?

Elle prit une autre cuillère ne contenant que de la chantilly, l’avala avant de reprendre.

En tout cas, je suis certaine que le théâtre vous ouvrirait les bras. On dit que les comédiens n’aiment pas ceux qui viennent du cinéma mais ce n’est pas totalement vrai. Il vous suffit d’être convaincant. Et ayant vu un nombre incalculable de fois différentes versions de cette pièce, vous êtes sûrement un des meilleurs Roméo que j’ai vu.

C’était sincère, elle ne souvenait pas de toutes les pièces qu’elle avait vu mais se rappelait quand cela avait été bon, il n’y en eu finalement pas tant que cela. Puis elle reposait sa cuillère et s’installa au fond de sa chaise en soufflant avec un large sourire amusé.

Finalement, je ne peux pas finir cette glace sinon je vais exploser. Et il me faut être entière pour ce soir sinon je ne donne pas cher de ma peau !

A vrai dire, il n'y avait vraiment rien qui pouvait gêner autant Jake que les compliments. Lui ne faisait que jouer. Il avait parfois du mal à comprendre cette espèce d'extase que certains affichaient. C'était extrêmement déroutant. Après tout, dans ses films, il était payé pour tenir un rôle, et jouer un jeu... il ne trouvait pas ça sorcier. Normal, étant donné qu'il était passionné par le fait d'être acteur. Lorsqu'il était derrière la caméra ou alors en train de répéter, il n'y avait pratiquement plus rien à part ça qui existait. Il était en osmose parfaite avec son métier. Bon, là où ça devenait difficile c'est lorsqu'il était enrhumé ou malade. Il se poussait à jouer mais il fallait qu'il fasse un gros effort pour ne pas parler du nez ou se concentrer. En général, les producteurs et réalisateurs aimaient bien. Ils pouvaient obtenir des situation comiques comme dans la série qu'il avait faite. Dans une scène de la seconde saison, il devait ranger du lait dans le frigo et enclencher le micro-ondes qui contenait son café au lait. Mais ce jour-là, il avait une fièvre de cheval et il réalisa l'opération inverse. Il ne s'en aperçut que lorsqu'il sortit la bouteille. La scène avait été conservé comme ça et diffusée. Il avait un air si naturel sur la bande avec sa bouteille et son caleçon !

Roméo était un des rôles les plus compliqués qu'il ait eu à jouer. Il symbolisait pas mal de choses... son premier spectacle, d'abord, avec l'angoisse de se planter devant ses parents. Puis, les acclamations... il se souvenait que sa prof de littérature avait versé quelques larmes. Il était terrorisé par le fait que le principal Bradford applaudisse. De sa scolarité, il n'avait jamais vu un homme crier aussi fort ! Alors à chaque claquement de mains, on aurait dit qu'il voulait briser ses phalanges pour pouvoir hurler à la lune jusqu'à la fin des temps ! Un sérieux psychopathe... pas très stable mentalement. A chaque fois qu'il voulait s'énerver, il cassait tous ses crayons à papier en trois et les jetait à la poubelle. Pourquoi ? Dieu le sait peut-être... sans doute un passe temps comme un autre. Enfin, il y avait eu aussi le baiser. C'était la première fois qu'il embrassait une fille, en tout cas devant ses parents... Et oui, Jake plus jeune était légèrement pudique... Et non pas ce type pervers qui se baladait à poil n'importe où ! Il avait même prévu le chewing-gum, ce jour là... mais la metteuse en scène l'avait longuement houspillé et finalement, il avait été obligé de le jeter... Pas cool la vieille, il s'était dit !

- Vous allez me gêner à force... en même temps, c'était mon tout premier rôle, j'en ai des souvenirs ! J'avais 15 ans... on avait travaillé pas mal de temps dessus. Moi ça m'arrangeait en fait, on avait des cours de langues étrangères... du français... mais je n'y suis jamais allé à cause des répétitions. Tant mieux parce que je toruvais plus intéressant de jouer, de toute façon. Je faisais enrager la responsable... on avait des costumes plutôt simples, parce que les mères d'élèves avaient pour mission de coudre les vrais avant la date de représentation. Et moi, je me mettais une espèce de chemise blanche qui se salissait à chaque fois... soit à cause de moi soit à cause des autres. Et elle partait dans des crises de colère... un jour, je lui ai demandé pourquoi ça la gênait tant. Après tout, une tâche reste une tâche, pour répéter ce n'est pas grave. qu'elle soit là ou pas, tout le monde s'en fout. Et elle m'a répondu : "Underwood, vous êtes un imbécile ! Je ne crie pas à cause de la tâche mais parce que vous n'êtes pas soigneux pour deux dollars !". Elle n'avait pas tort... Chez moi c'est assez... désordonné ! Et puis, il y a le baiser... c'était mon tout premier et devant mes parents de surcroît... j'étais hyper stressé, toujours...

Il regarda Juliana repousser légèrement sa glace. Elle lui rappelait sa mère dans sa façon de le féliciter. Enfin pas sa génitrice, étant donné qu'elle était morte en lui donnant la vie. Non, la mère de sa soeur ou plutôt demi-soeur... enfin bref, les histoires de famille était toujours assez compliquées. Il considérait Grace comme sa frangine de toute façon. Le jour où il avait dit qu'il voulait devenir acteur, il était assez jeune et sa mère lui avait dit qu'il devrait peut-être se concentrer vers quelque chose de plus stable... En effet, et elle avait raison, ce métier demandait beaucoup d'investissement pour peu de récompenses... Du jour au lendemain tout pouvait s'arrêter aussi subitement que ça avait commencé. Prévoyante, elle avait cependant encouragé Jake après la pièce de Roméo et Juliette. Il l'avait même surprise à regarder de longues heures des photos de la réprésentation. Elles avaient beau avoir été faites avec un vieux kodak jetable, le tirage avait bien donné. Presqu'aussi bien que le numérique. D'ailleurs, maintenant qu'il y pensait, sa mère avait toujours eu de mal avec les nouvelles technologies... Le téléphone portable passait encore... même si elle était incapable d'envoyer un texto.

- Vous avez presque mangé les trois-quarts ! C'est bien ! Parfait même ! Ce que vous pouvez faire, c'est appeler Bichou et lui dire que vous vous êtes goinfrée comme jamais. Vous lui dîtes que vous avez un problème... que vous ne rentrez plus dans vos affaires parce que vous avez grossi... et le tour est joué... Il fonce dans votre loge vous apporter le matériel nécessaire à votre confort... fauteuil de massage, kiné, prof de gym... vous avez le choix. Profitez-en surtout s'il vous l'offre !

Il eut un sourire amusé et voyant que tous les deux avaient fini de manger. Il fit signe à une serveuse pour lui demander :

- Euh... vous pourriez apporter l'addition s'il vous plait ? Avec... deux cafés ?

Il jeta un regard interrogateur à Juliana pour savoir si elle en voulait un. Sans sucre... of course !

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