Caramel macchiato (libre)

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Lundi - 7h30...Crissement de pneus, insultes à d'autres véhicules qui encombraient la double file et le taxi jaune s'arrêta à la hauteur du Starbucks de la 5th. Quelques secondes occupées à donner les quelques dix dollars que lui demandaient le chauffeur latino qui l'avait amené du Village et la portière s'entrouvrit le temps que l'occupante jette un coup d'oeil circulaire sur le trottoir pour s'enquérir de la présence ou non de photographes. La voie semblait libre aussi la jeune femme descendit en rajustant ses raybans sur son nez avant de traverser les quelques mètres qui la séparaient de l'entrée du Starbucks.

Passant la porte de verre qui donnait sur le comptoir, elle s'autorisa un petit soupir avant de sourire de son soulagement. Elle en était arrivée au point d'être heureuse de ne pas croiser de paparazzi avant de prendre le boulot...Tout cela devenait risible. Elle n'arrivait pas à comprendre l'acharnement dont faisaient preuve les journaux pour obtenir tous les détails de sa vie privée qui pourtant lui semblaient inintéressante au possible. Parfois, elle en venait à se demander si elle ne devait pas mettre un frein à sa carrière pour échapper à cette tourmente médiatique.

Devant elle, quelques personnes pressées d'ingurgiter leur dose matinale de caféine passaient leur commande et un petit groupe de trentenaires attira son regard. Aux murmures et aux regards qui la dévisageaient l'air de rien, elle comprit qu'elle était au centre de la conversation. D'un geste sûr, elle releva ses solaires avant de distribuer quelques sourires gênées prompts à décourager les consommateurs de venir l'importuner. Son tour arriva enfin et l'habituelle étudiante qui encaissait commandes et additions lui fit un petit signe de tête pour la saluer. Petit signe auquel Mary répondit par un large sourire avant de commander un cookie et son sempiternel Caramel macchiato avant de remettre les $5 nécessaire pour régler son écot. Attrapant l'assiette sur laquelle reposait son déjeuner, elle se dirigea vers le comptoir pour attendre sa commande. Un serveur déposa son mug qu'elle agrippa avant de monter à l'étage et de se laisser tomber dans un fauteuil nonobstant les autres usagers qui elle l'espérait de viendraient pas l'importuner.

Sortant son agenda de sa besace, elle commença à passer quelques coup de fils à son agent pour se tenir au courant de son emploi du temps du lendemain et vérifier qu'elle n'avait rien oublié d'important.

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Lundi. 7h30.
Rachel Jones bailla en mettant sa main aux ongles manucurés devant sa bouche. Elle s’était levée très tôt ce matin, si on pouvait dire qu’elle s’était couchée. La jeune femme avait dormi quelques heures en pleine nuit noire. Puis Rachel s’était levée quand son frère, Terry, avait klaxonné devant la maison à 2 heures 30 du matin, réveillant par la même occasion tous les voisins. Elle s’était rendue sur son balcon. Terry, manifestement soûl, voulait l’embarquer dans une de ses fêtes. Rachel, les cheveux ébouriffés, les yeux encore gonflés de sommeil, refusa avec hauteur. Son frère, trop enivré pour prendre la mouche, était parti quelques minutes plus tard, sa voiture décapotable vibrant au rythme de la techno qu’il écoutait. La jeune femme soupira et s’allongea sur son lit aux draps en soie bleus. Cookie, son ravissant petit chihuahua, gémit dans son sommeil.

Rachel Jones avait passé le reste de la nuit à surfer sur le net et à répondre à ses e-mails. Des magazines Vogue traînaient par terre. Elle avait saisit quelques uns et les avait feuilletés pendant que son ordinateur dernier cri chargeait. Elle avait craqué sur une robe Calvin Klein. C’est pourquoi le matin même, elle avait décidé de se rendre sur la 5ème Avenue. Elle avait embarqué son chihuahua dans son sac Gucci et avait appelé un taxi. Rachel conduisait mais détestait sortir dans les embouteillages de New York.

Pendant que le chauffeur noir chantonnait à l’avant, la jeune femme mit ses lunettes de soleil noires, pour éviter d’être reconnue. Elle portait une élégante robe colorée. Elle allait appeler son frère sur son portable quand elle s’aperçut qu’une grosse berline les suivait.

- Tournez à droite, ordonna-t-elle brusquement.

La berline, elle, tourna dans une autre rue. Rachel fut mi-soulagée (être pistée par des photographes de bon matin, rien d'agréable) et mi-déçue. Elle adorait passer sur les couvertures des magazines à scandale. Elle adorait voir son nom écrit sur les Unes de Closer ou VIP Secret. Elle adorait être l’objet des rumeurs et des scandales. Est-ce pourquoi elle en propageait tant ? Le taxi jaune légendaire de la ville passa devant la vitrine du café Starbucks. Elle ordonna au chauffeur manifestant détendu de s’arrêter. Celui-ci la remercia en balbutiant quand elle lui laissa la monnaie.

Elle pénétra dans le café, en coup de vent et commanda d’une voix pressée un cappuccino et des brownies. L’étudiante qui la servit lui adressa un sourire timide (l’avait-elle reconnue ?) puis replongea dans son tiroir caisse. Rachel ne lui répondit pas en observant d’un air critique sa tenue simple. Se détournant de cette dernière, elle mordit presque voracement dans son brownie. Cette action aurait pu paraître ringarde si n’importe qui l’avait fait. Mais c’était Rachel Jones et elle avait une classe et une prestance inégalables.

Elle jeta un coup d’œil sur le reste du café. Quelques tables étaient libres mais son regard fut attiré par une jeune femme qui consultait son agenda. Qui pouvait porter des lunettes de soleil comme elle de bon matin ? Elle s’installa en face d’elle et lui adressa un petit sourire avec un salut culotté.

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Tout en buvant son café, la jeune femme passait ses coups de fils matinaux, assurant en premier à son agent qu'elle était bien en vie depuis qu'ils s'étaient parlés la veille et vérifiant avec lui les castings et les deux séances de photographies qu'on lui avait programmé pour aujourd'hui se faisant préciser les adresses des endroits choisis par les professionnels et où on l'attendrait. Quelques minutes plus tard, elle refermait son motorola et annotait quelques rendez-vous sur la page Monday de son agenda.

Ensuite, elle se résigna au sempiternel appel à ses parents mais raccrocha bien vite se rappelant en une fraction le décalage horaire avec la côte Ouest. A la place, elle se décida à réveiller son frère Dean pour qu'il se lève à une heure convenable pour un lundi mais quelle ne fut pas sa surprise quand une voix de femme lui répondit en lieu et place de celle plus grave de son ainé. Après un quiproquo charmant pour elle beaucoup plus gênant pour la nouvelle de son frère, celui-ci lui confirma qu'il était debout mais lui expliqua qu'il avait un rendez-vous tôt et qu'il ne pouvait rester longtemps au téléphone.

Elle continuait de vérifier ses rendez-vous quand une jeune femme blonde surgit du néant pour s'assoir à sa table et la saluer avec désinvolture. Elle haussa les sourcils de surprise mais aussi de contrariété d'être dérangée de si bon matin.

"Bonjour, désolée mais pas de photos ni d'interview ce matin, je suis en train de travailler..."

La sonnerie de celui qui la persécutait en ce dur lundi matin la coupa dans son élan et elle murmura un mot d'excuse à la jeune femme avant de relever ses lunettes et de répondre.

"Hey Peter, tu viens de battre un nouveau record, quatre minutes avant de me rappeler...Ah...Hum, hum...Mercredi ? Je suis libre pour le lunch...Oui c'est ça propose la date à sa secrétaire et rappelle-moi vite pour confirmer avant midi sans faute. Bye"

Elle reposa l'appareil avant de barrer la case du déjeuner du mercredi suivant puis de reporter son attention à l'intruse qui s'était installée à sa table.

"Mary Green, enchantée, je ne reste pas longtemps, je vous laisse la table d'ici une demi-heure, le temps de passer quelques coups de fils."

Malgré la sècheresse de la première phrase qu'elle avait lancé à la jeune femme, ce fut un sourire franc qu'elle lança à son interlocutrice avant de plonger ses lèvres dans son Caramel macchiato.

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Rachel Jones bailla de nouveau en voyant la jeune femme devant elle en train de travailler de si bonne heure. La pauvre était pendue au téléphone en pleine discussion avec un agent. La jeune femme blonde avait eu elle-même un agent tyrannique quand elle avait commencé à tourner la série LA. L’homme en question passait chez elle tard le soir, la réveillait à des heures impossibles le matin alors qu’elle faisait la fête la veille au soir. Surtout l’agent voulait la faire travailler encore plus, qu’elle sacrifie ses loisirs. Il n’avait pas duré longtemps. Rachel l’avait renvoyé avec hauteur et en avait pris un autre qui s’occupait moins d’elle. Elle voulait garder tout en main, sa carrière (même courte) comme son emploi du temps.

La jeune femme devant elle lui laissa sous-entendre qu’elle pensait que Rachel était une journaliste. Cette dernière haussa les sourcils devant tant de désinvolture envers elle et l’observa plus attentivement. Qui était-elle pour être si sûre d’elle ? La jeune femme avait un teint blafard, ne sortait-elle jamais sur la plage pour bronzer ? Ses cheveux étaient d’un brun profond et encadraient délicatement son visage inconnu. Si inconnu que cela ? Un nouveau coup de téléphone et elle redressa ses lunettes. Rachel eut alors une révélation. Bien sûr ! Mary Green ! Elle l’avait vu il y avait très longtemps dans Corving Coast, ou encore cette même année en avant première dans King Arthur. Si elle avait un jour pensé la rencontrer dans un simple café à New York ! Elle se souvenait vaguement de la jeune fille à la silhouette fine et agréable qui montait le tapis rouge des stars. Pourquoi ne l’avait-elle donc reconnue immédiatement ?

Rachel Jones patienta pendant que Mary Green reprenait son persécuteur au téléphone. Elle savoura son brownie et sirota son cappuccino. Son chihuahua Cookie jappa pour obtenir quelques miettes que sa maîtresse lui concéda volontiers.

Quand sa compagne raccrocha enfin, Rachel lui répondit par un petit sourire.

- Ne vous inquiétez pas, je n’ai pas l’attention de rester très longtemps. La 5ème Avenue m’attend.

Elle observa avec un air amusé l’actrice surbookée, avec son agenda sur les genoux, ses lunettes sur la tête et son téléphone portable à proximité.

- Ce n’est pas trop tout ça ?

Quelle question idiote, se morigéna intérieurement Rachel. Bien sûr que non que la jeune femme ne devait pas trouver ça excessif. C’était sans doute encore l’une de ses actrices qui pensait qu’elles étaient indispensables au cinéma américain et qui tombaient rapidement dans l’oubli, après quelques films qualifiés de « prometteurs ». Elle adressa un petit sourire à celle qui lui faisait face. Après tout une langue de vipère n’était-elle donc pas indispensable à la bonne marche de la Grosse Pomme ?

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Croquant délicatement son cookie qu'elle fit couler avec une délicieuse gorgée de macchiato, elle sourit à la jeune femme qui lui faisait face faisant ce qu'elle savait faire de mieux : jouer la comédie. Elle l'avait déjà vu mais ne la reconnaissait pas, peut-être une assistante sur un de ses derniers films, ou bien une actrice rencontrée à un casting.

Elle marqua quelque chose dans son agenda et le repoussa sur un côté de la table en posant son motorola sur la couverture de cuir tané avant de sortir une liasse de scénarii. Elle regarda avec indifférence, la jeune femme nourrir son chihuaha jugeant cette stupide manie des toy dog insupportable et surtout trop prétentieuse. Elle commença à détailler les rôles qu'on lui avait proposé dans le weekend et qu'elle avait passé la soirée à imprimer. Et Dean qui n'était jamais là quand on avait besoin de lui...

Elle releva la tête surprise de la question de la jeune femme avec qui elle répondit patiemment usant du même ton uni qu'elle utilisait toujours face à des inconnus.

"Ma carrière dure maintenant depuis plus longtemps que la majorité des actrices de ma génération, j'essaye simplement de faire le maximum pour ne pas être has been trop vite tout en espérant ne jamais l'être. J'ai eu une chance folle, j'essaye simplement de la préserver. Et j'aime ce boulot, courir d'auditions en auditions, les planches, les caméras...Tout cela."

Avec un surligneur, elle commença de grossir certains des passages qu'elle devait répéter ajoutant quelques petites annotations de son cru tout en essayant de bien suivre les indications du script dans son interprétation des dialogues et des attitudes.

Soudain, elle releva la tête, dévisageant Rachel avec une certaine insistance. Elle l'avait déjà vu quelque part, certainement dans le milieu, ou bien tout simplement, cette jeune femme n'était qu'un visage qu'elle avait remarqué parmi tant d'autres dans New-York et qui avait marqué son esprit.

"J'ai l'impression de vous avoir déjà rencontré..."

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La jeune actrice sortait des liasses de scénarios et surligna ce qui lui paraissait important. Pendant ce temps, Rachel Jones, vaguement jalouse, sortit une Marlboro Light et commença à la fumer. Elle se demanda si beaucoup de réalisateurs cherchaient à obtenir Mary Green dans leur film. Etait-ce une étoile montante, qui aurait bientôt son étoile à Hollywood ? Rachel songea aussitôt que la jeune femme ne faisait rien pour faire la Une des journaux à scandales. Etait-il possible de devenir une icône mondiale sans engranger des scandales ? Rachel, en pleine réflexion, revit des journaux français et britanniques qui traitaient de la vidéo hot qu’elle avait tournée ou encore de ses frasques avec la drogue. On ne pouvait pas dire que cela la présentait sous un genre favorable, mais la jeune femme était ainsi. Tant qu’on prononçait son nom, ou qu’on voyait son visage...

Aucun producteur ou réalisateur ne lui avait proposé de rôle depuis la fin de la série. Sans doute considérait-il qu’elle n’était pas assez bonne actrice, ce qui n’était pas faux. Quoique Rachel excellait dans son propre rôle : une espèce de peste imbue d’elle-même. Hélas, la tendance semblait être aux héroïnes ingénues en ce moment. Non pas que la jeune femme rêvait de retourner devant les caméras, c’était bien trop de contraintes pour elle, et de plus elle était déjà l’égérie d’une marque de beauté. Alors pourquoi ce sentiment d’envie devant Mary Green et ses papiers ?

Déjà Rachel s’ennuyait. C’était une hyperactive, qui ne pouvait que très rarement rester immobile plus de cinq minutes. C’était sans doute pour cela qu’elle n’avait pas encore réussi à sortir avec un homme plus d’une semaine. Il lui fallait du changement, et rapidement avant qu’elle ne meure d’ennui. Les garçons étaient tous les mêmes. Ils l’amusaient lors d’une soirée, la draguaient ouvertement. Ensuite, ils filaient au lit puis se retrouvaient les jours suivants pour déjeuner. C’était le moment critique. La plupart du temps, ils lui faisaient une conversation complètement débile, parlant de s’installer ensemble dans son appart’ et lui disaient qu’ils l’aimaient. L’amour faisait peur à Rachel. Pour elle, l’amour venait avec le temps, la routine. Tout ce qu’elle détestait.

Mary, sans aucun doute la petite actrice bosseuse et prête à s’engager dans une histoire de véritable amour, expliqua en quelques mots sa passion à Rachel. Celle-ci éteignit sa cigarette sur le cendrier et adressa un sourire carnassier à sa compagne.

- Je comprends que l’on puisse aimer le cinéma et tout le truc. Seulement, j’ai du mal à saisir le sens d’une vie si on ne fait que travailler. Où sont les grasses matinées, les petits-déjeuners au lit ? Les agendas vides, et les horaires pendant lesquels on peut flemmarder sur la 5ème Avenue, sans être dérangée par son agent ? Les fêtes qui se finissent tard le soir et où on danse sur la musique des meilleurs groupes de la Grosse Pomme ?

Rachel venait de faire un gros coup de bluff. Elle ignorait totalement si la jeune femme devant elle pouvait en avoir marre de cet emploi du temps de malade, et si elle sautait les fêtes et autres réjouissances. Elle décida de se montrer compréhensive.

- Après tout, vous êtes consciente de votre chance, et vous vivez votre rêve, je l’imagine. C’est le principal... Si vous saviez le nombre d’actrices que j’ai connu qui étaient prétentieuses et qui s’imaginaient en haut de l’affiche, à tourner avec des légendes du cinéma. Elles ont bien déchanté.

Un peu à cause de Rachel d’ailleurs. Qui décida de ne pas révéler cette information à sa voisine qui la regardait avec insistance. Ce fut à ce moment-là qu’une jeune fille aux grosses lunettes roses qui mangeaient la moitié de son visage se dirigea vers elles, un brownie à la main. Rachel ne l’avait pas vue arriver du fond de la salle du Starbucks, c’est pourquoi elle sursauta en la sentant près d’elle.

- Je vous adore ! commença-t-elle à déclamer d’une voix suraiguë, vous pouvez me signer un autographe ?

Rachel s’exécuta en saisissant le ticket de paiement du brownie et un stylo miteux. Puis la gamine continua son manège auprès de Mary Green qu’elle déclara avoir vu dans tous ses films etc. La jeune femme attendit de la voir partir, ravie pour répondre à la demie interrogation de l’actrice.

- Nous nous sommes déjà croisées en effet. Je suis souvent aux avant premières et aux défilés de mode... Peut-être connaissez-vous mon nom ? Je m’appelle Rachel Jones...

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